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La cérémonie des funérailles

Le lundi 18 août 2025, sous le soleil éclatant des Ulis, nous avons célébré la vie de Fabio dans un ultime recueillement. Ce jour là, les mots et les notes de musique ont relié par la pensée ceux qui ont aimé Fabio, dans un moment unique de communion. Cette cérémonie, préparée à l'aide de nos amis et familles, s'est voulue à son image, sous le signe de l'amour, et surtout celui de la musique, qui a été si présente dans sa vie. Elle a ouvert cet espace où l'absence a pu devenir présence, où la douleur s'est mue en beauté. 

Au fil des discours et de la musique, je vous invite à revivre ou à découvrir la cérémonie avec les symboles associés, en espérant que cette page vous offre un tendre espace de recueillement en la mémoire de Fabio. 

Nocturne Opus 9 n°2 de Chopin, par David

Plus qu'une simple mélodie, cette nocturne est un véritable écho de la présence de Fabio. Ce sont ces notes qu'il exécutait parfaitement les dimanches soirs, lorsqu'il s'asseyait à son piano dans l'intimité de notre appartement montréalais, pour m'offrir une parenthèse de douceur à l'aube de nos semaines chargées. C'est par ce souvenir de tendresse qu'elle évoque, que j'ai voulu introduire la cérémonie.

Vous entendrez ainsi notre ami d'enfance, David Salmon, pianiste de talent reconnu sous le nom de Geister Duo, interpréter cette nocturne pour accompagner l'entrée du cercueil. 

Discours de Fabrice, le père de Fabio

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Ah Fabio, mon petit Fabio, mon grand Fabio, mais qu’as-tu donc fait ? 

Qu’as-tu donc fait dans cette piscine tout en haut de cette tour à Montréal ?

Pourquoi voulais-tu pousser ton esprit à éprouver tes limites ?

Et voilà, tu t’es évanoui, et voilà, tu es dans le coma à l’hôpital. Ta Cécile chérie est bouleversée .

Et tous les tiens se précipitent. ta soeur, PA et ta nièce et ton neveu chéri sont de l’autre côté de la planète. 

Ton père est de l’autre côté de la planète.

Et avec mon Elsa chérie, nous nous précipitons.

Nous faisons la course avec Sara et les siens, nous arrivons presque ensemble à Roissy, nous confions nos lourdes valises à Yvon et Françoise qui prennent aussi soin d’Alessia et Elio.

Et c’est reparti pour la course vers le Canada. 

Nous allons te veiller, te réveiller, te sortir du coma.

Tes amis sont déjà là, mais toi tu es dans cette chambre, beau, calme. Il n’y a que la pompe du matelas qui gronde de temps en temps. 

Mais l’horrible nouvelle tombe tout de suite : ton cerveau a cessé de vivre. C’est sans appel.

Ce n’est que plus tard que nous avons assisté à cette cérémonie légale , avec les deux médecins qui officiaient dans des gestes lents, des gestes lents et durs , mais c’était la cérémonie qu’ils devaient faire pour décréter ta mort légale. Pour dire que ton cerveau ne commandait plus. Mais pourquoi as-tu fait cela ? Déjà tout petit, ta mère te demandait "Pourquoi as-tu fait cela ?". Et tu répondais, "Mais maman, ce n’est pas moi, c’est ma tête". Et c’est vrai, ta tête a toujours été devant , elle a toujours trouvé et inventé  la voie qui était la tienne.

Déjà avant de naître, tu avais clairement choisi le moment. J’étais arrivé en retard, ta maman était descendue toute seule à pied à la clinique, elle sentait que tu allais arriver. Sur ce, la sage femme me renvoie . “Mais non monsieur, c’est beaucoup trop tôt”

Mais ensuite ta Maman m’appelle. Viens Fabrice, je t’en prie. On se retrouve dans les couloirs de la maternité vers minuit. La sage femme nous punit. Vous l’aurez voulu, direction la salle de travail et son lit étroit. Mais toi tu voulais naître, tu ne voulais pas attendre. Alors moi, un peu complice je regarde les courbes du moniteur et je vois les contractions avant que ta mère les ressente et je lui fais de grands signes mimant l’utérus qui s’ouvre et se contracte. 

Et en même temps, je suis les battements de ton coeur mais assez vite, il descend, boum, boum, boum.

Je sais que c’est normal pour les dernières grandes contractions. 

Mais je m’inquiète un peu, je me tourne vers le bureau vitré où somnole la sage femme.

Boum, boum

50 s’affiche au dessus de sa tête. Et là elle lève le regard et se précipite. Et Anna de crier “je veux la péridurale” “c’est trop tard” dit-elle, l’enfant est engagé. Tout le reste est très professionnel, tu nais très vite, le médecin arrive très vite, puis le matin  la pédopsychiatre a dit que tu étais un très beau bébé.

Autre souvenir marquant, c’était un an et deux mois plus tard, il y a du monde c’est pour l’anniversaire de Sara, et eux de dire, mais tu ne marches pas ? Alors ils t’ont incité  et tu es parti, tu as tourné  dans le couloir. Une fois à la porte, tu réfléchis brièvement et tu t’accroupis et tu reviens à quatre pattes et tu te lèves avant le virage pour apparaître sur deux pieds devant tout le monde. Belle optimisation. Mais tout de suite tu veux sortir, descendre le long chemin du jardin et dans la petite rue, ouvrir tous les portails. Le monde était à toi.

Jusqu’à 6 ans, tu n’as jamais rien dessiné autre chose que des fils électriques; c’est vrai qu’il y en avait beaucoup dans la maison. Etait-ce inquiétant ? Mais un jour, tu rencontras une monitrice du centre de loisirs et ce fut le déclic, la mise à jour de ton don. Tu dessinais et peignais à la perfection, du premier jet, sans apprendre la technique, tu la maitriseras.

Au collège, l’enseignante de français t’a accusé de déléguer à tes parents l’illustration de tes cahiers de poésie. Ca nous a mis en colère mais nous avons aussi bien ri de cette bêtise, et la collègue d’arts plastiques t’avait sauvé avant nous.

Fort de ce don, tu avais choisi de t’inscrire dans le seul lycée spécialisé du département. Le dossier monté, tu avais eu le privilège d’être accepté.

 

Mais le cursus y imposait plus d’heures de cours, contre le temps libre, il a supprimé les sciences de la vie, et tu te rends compte que le niveau de mathématiques y  est vraiment très très très mauvais. Alors, après une semaine, sans nous en parler, tu vas voir le directeur de ton ancien établissement collège-lycée. Et moi de recevoir un appel au bureau “Ici, le directeur du lycée, je suis avec votre fils”. Et je prends peur. Que s’est-il passé de grave au lycée ?? Puis je comprends, c’est l’autre lycée. 

Il m’explique, il reste une place. C’est oui, bien sûr.

 

C’est là, collège et lycée, que s’est forgé  ton magnifique cercle d’amis et ton amour aussi. Bon, il faut remonter  aussi  à la première année de maternelle pour cette fidélité  avec Philippe qui vous en parlera bien sûr, il est tout exprès venu de Corée.

Alors je voulais que la maison reproduise un peu le modèle de la maison de grand-mère, où on fête des retrouvailles. C’était un peu un fantasme bien sûr, parce que je ne suis pas une mère ni une grand-mère. Et que mes enfants sont partis trop loin dans le monde. Mais j’aimais à savoir cette maison ouverte aux amis des enfants, la complicité de Cécile et Anna, les histoires de chaussettes. La maison investie était toujours plus propre à notre retour, avec le placard à alcool plus rempli que vidé.

J’aime aussi l’idée que mon modeste piano ait contribué à l’éclosion de l’extraordinaire aventure artistique de David.

Merci à toi, merci à vous tous. 

Merci aussi aux parents de Cécile avec Charles qui nous a si souvent invités pour des festins mémorables.

 

La seule fois où j’ai imposé une voie à Fabio, c’est après le bac, où j’ai refusé, enfin j’ai exprimé mon fort désaccord qu’il aille dans une école spécialisée dans un domaine qui l’intéressait certes - les arts numériques - mais qui lui laisserait trop peu de temps pour ses autres passions, dessins musiques, pianos... Après un premier master en IA “à l’ancienne”, Fabio s’est pris de passion pour les nouveaux concepts d’IA qui allaient vraiment devenir intelligents. Personne n’avait encore prédit que serait très proche ce moment où le quantitatif déclencherait ce saut qualitatif. Et c’est très étrange de savoir que ce même sujet (mimer les structures cérébrales par de simples poids et fonctions non linéaires) m’avait  passionné dès l’université. Mais je n’ai jamais approfondi, je pensais que c’était trop tôt

Je ne crois pas qu’on en ait jamais parlé .

Après son second master EHESS ENS, Fabio n’a pas hésité à envisager de partir là où la recherche était chaude en Australie (mais le prof avait migré à Londres je crois),  Japon (pays magnifique, mais la recherche était un peu dissonante).

 

London Imperial College financé par Dyson, puis le graal, par des stages et puis après une embauche au sein de Deep Mind à Londres et Toronto, Montréal.

Voilà, Fabio, je suis fier de toute ton aventure dans la vie, de ce que tu as construit, de ce que tu as créé. Je m’en veux un peu de ne pas être venu avant à Montréal, à ne pas avoir vu te pousser  aux limites, de ne pas avoir discuté avec toi de ceci. Pourquoi les piscines surveillées  affichent-elles parfois et souvent “apnée interdite”?

Mais je ne l’avais pas fait bien sûr et ce n’aurait pas été mon rôle. Et tu avais très vite été mon grand Fabio. Adieu mon cher petit.​​

Discours de Sara, la soeur de Fabio

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Mon petit frère,

 

Ou mon grand petit frère, comme je disais parfois, à partir du moment où tu me dépassais d’une dizaine de centimètres.

Jamais, jamais, je n’aurais imaginé devoir me retrouver devant mon ordinateur un jour d’août 2025 pour écrire un témoignage en ton hommage.
C’est une douleur terrible de te perdre mais je vais tenter de calmer l’emballement de mon cœur pour laisser place aux souvenirs que j’ai de toi.

 

Le jour de l’enterrement de maman, en janvier 2018, je me souviens avoir dit à une amie qu’il fallait garder le sourire car on avait tous la chance de vivre. En rigolant, je lui ai même dit qu’on était tous des gagnants dans ce monde, qu’on avait gagné la course des gamètes et qu’on avait une chance sur je ne sais combien de milliards d’exister un jour. Quelle que soit la durée de notre vie, elle valait la peine d’être vécue.

Alors je me remémore ta vie mon petit frère.

 

Fabio, tu es né le 23 mars 1991 à la clinique des Noriets à Vitry, Maman aurait préféré que tu naisses à Paris pour le prestige mais Papa trouvait ça un peu bête de ne pas profiter de la bonne maternité du quartier. J’ai peu de souvenirs car j’allais sur mes quatre ans mais je me souviens que Maman t’appelait « Pavarotti » parce que tu avais déjà une voix grave de ténor puis en grandissant, tu allais plutôt être surnommé « Coco », mais je ne me souviens pas pourquoi. Sur les photos de famille, j’avais un peu peur que tu me voles la vedette, alors je faisais souvent en sorte d’être au premier plan.

Mais je me souviens que dans notre enfance, j’étais très heureuse de t’intégrer à mes jeux et tu auras été mon élève de classe, très régulièrement, mon client de supermarchés, le papa de ma poupée mais surtout ma tête à coiffer et tu ressortais régulièrement avec des couettes sur la tête. Je n’ai pas le souvenir que tu te rebellais beaucoup. Parfois, nous nous entrainions dans de gentilles bêtises comme quand nous visions, avec notre pistolet à eau, dans la bouche ouverte de notre grand père italien qui faisait sa sieste. Je m’amusais aussi à te faire dire n’importe quoi en italien quand tu me demandais de te traduire des mots.

 

En grandissant nous avions partagé beaucoup autour d’activités sportives, les soirées badminton dans le jardin, nos jeux avec Filo notre chienne et Sissi notre chatte, les batailles de boules de neige à ski avec Pep, la planche à voile avec Dadou, les via ferrata et le vélo avec Papa et Maman et j’en oublie certainement.

En grandissant, pendant l’adolescence, c’était parfois plus conflictuel, notamment quand tu jouais à fond de la basse ou que tu mettais la musique hard rock de Slipknot dans ta chambre et que moi j’essayais de réviser.
Mais très rapidement, nous nous sommes de nouveau rapprochés et notamment grâce à Cécile, que tu as rencontré à l’âge de 17ans et nous avons formé avec PA un quatuor qui s’entendait particulièrement bien. Nous avions passé un bel été en 2009 dans le sud de la France et en Italie. J’avais apprécié tenir mon rôle de grande sœur en vous apprenant un peu à conduire sur le parking du supermarché de la Brillanne.

 

Tu as ensuite été notre témoin de mariage et tu nous a beaucoup ému, PA et moi, quand tu disais considéré PA comme ton frère. Vous avez partagé beaucoup de moments ensemble en échangeant sur les films de science-fiction, les Marvel et j’en passe. Tu devais venir avec Cécile passer les fêtes à la Réunion en décembre et PA tenait à t’emmener voir les machines High-tech qu’il utilise en chirurgie ophtalmo. Parce qu’avec moi, tu ne pouvais pas trop discuter d’intelligence artificielle, de technologie, de cryptomonnaies car j’étais plus proche du troc et des bonnes vieilles méthodes et tu te moquais régulièrement de moi à ce sujet.

 

Mais je crois qu’une de mes facettes préférées de toi aura été dans ton rôle de tonton pour Alessia et Elio. Ces dernières années je t’appelais plus « tonton Fabio » que « Coco » ou « frérot ». Quel que soit l’âge des enfants, tu adorais partagés avec eux, être en interaction, même quand ils étaient bébés. J’ai découvert une partie de toi à travers eux. Tu étais le tonton qui adorait faire la bagarre, qui les excitait à fond avant d’aller au lit, qui faisait des grimaces et des pitreries pendant les Facetimes entre la Réunion et le Canada.

Nous avions pu partager un magnifique voyage au Canada avec vous en 2023 et Alessia et Elio adoraient vivre chez vous, regardé Pokémon en mangeant des Weetabix, faire des balades en canoé, traquer le caribous et l’ours, et surtout faire encore la bagarre, la bagarre et la bagarre. Tonton Alexandre, tu sais que tu vas devoir prendre la relève. ;)

Avec Cécile, vous aviez toujours réussi à maintenir un lien incroyable malgré la distance. Vous veniez d’inscrire Alessia à un abonnement J’aime lire qu’elle reçoit tous les mois et qui va lui permettre de penser à son tonton régulièrement.
Et un des plus beau souvenir que vous auriez offert à Alessia et Elio fut la sortie à Eurodisney en décembre dernier. Ils en sont revenus avec des étoiles plein les yeux, et après ton accident, Alessia nous a dit qu’elle ne voulait plus quitter sa peluche Stitch que vous lui aviez offerte et Elio sa peluche Dumbo.

 

Mon frère, c’est un déchirement pour moi de te perdre et cette douleur est décuplée par la perte de « Tonton Fabio » pour Alessia et Elio. Mais nous ferons en sorte de régulièrement évoquer leur tonton, qu’ils te gardent eux aussi pour toujours dans leur cœur.

 

Embrasse Maman,
Je t’aime Fabio, je t’aime Pavarotti, je t’aime Coco, je t’aime Tonton Fabio, je t’aime mon frère.
L’amour d’une sœur pour son frère ne s’éteint jamais.

Discours de Pierre-Emmanuel, l'oncle et parrain de Fabio

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Fabio tu le sais j’aurai aimé être le maitre d’une autre cérémonie. Une cérémonie dans laquelle tu aurais encore plus officiellement uni ta vie avec Cécile, une cérémonie dans laquelle la famille Pardo-Dianoux et Nguyen auraient fait la fête. Cette cérémonie aurait pu être proche maintenant que ta vie était si bien installée à Montreal. Nous aurions ri, nous aurions pu se moquer gentiment de toi avec des photos bien trouvées et détournées par l’intelligence artificielle que tu aurais créée. Tu aurais pu jouer une ode que tu aurais composée pour l’amour de ta vie. Tu aurais peut être même pu nous annoncer une heureuse nouvelle à venir.

Et puis tu aurais pu participer voir diriger le développement de nouveaux produits d’intelligence artificielle qui nous auraient aider dans nos vies. Et puis tu aurais pu être un oncle attentionné, dynamique et cool avec tes neveux et nièces.

Toutes ces espérances sont maintenant finies et c’est cela qui fait le plus mal dans ta disparition tragique.

Quand j’étais petit je demandais toujours aux gens quel âge ils avaient et dans un rituel frénétique, je griffonnais sur des feuilles de papier des chiffres et je sortais triomphalement avec mon résultat : « il te reste 2 milliards 300 millions de secondes à vivre » ! Passion bizarre me direz-vous et je ne sais même plus à quelle âge j’arrêtais mes calculs ni même si je comptais les années bissextiles.

Alors j’ai fait un peu la même chose :
Fabio tu as vécu un peu plus de 1 milliards de secondes. Tu étais milliardaire en battement cardiaques.
Fabio j’ai été fier de tous tes battements de cœur. Car ton cœur vibrait de passion, et tu aimais vivre la vie pleinement.

Fabio, j’ai été fier car tu m’as toujours impressionné par sa volonté et son dynamisme. Après avoir commencé la musique comme certains d’entre nous, tu as décidé de t’y impliquer fortement, tu as acquis un très bon niveau et tu as commencé à composer tes propres musiques dont nous entendrons plus tard une partie.

A un moment donné j’étais même presque certains que tu deviendrais un » musicos » et que tu gagnerais plus ou moins ta vie en temps que saltimbanque. Et puis tu as probablement réalisé que cette voie serait probablement difficile.

 

De mon côté, j’ai gardé une guitare électrique de Fabio du temps où je m’étais dit que j’allais me mettre à la guitare et la guitare électrique mais je n’avais ni la volonté ni le talent de Fabio et je me suis arrêté dans cette quête.

Fabio tu t’es d’un coup fortement impliqué dans tes études quand tu as trouvé, choisi ta voie dans l’intelligence artificielle.
Je suis fier de toi car tu t’es donné les moyens de réussir sans piston juste par ta force de conviction, en montrant ton implication, ton dévouement à ton métier.

Tu as alors réussi à atteindre le graal de ton domaine : rentrer à Google pour y développer l’intelligence artificielle.

Fabio tu nous as montré que la passion, le travail et la volonté permettent de déplacer des montagnes et d’arriver à son but.
Que ton exemple nous marque pour toujours. 

 

Fabio : tu pensais que la technologie permettrait une sorte de transcendance du corps et de l’esprit. Tu es parti avant le développement de ces technologies. Peut-être permettront-elles de te faire revenir parmi nous, mais est-ce un bien ? Les séries télévisuelles se nourrissent de ces nouveaux paradoxes : un Fabio reconstitué des souvenirs de Fabio, des créations de Fabio, dans un nouveau corps peut il être un « Vrai Fabio ».

La bateau de Persée auquel on a changé chaque pièce est-il toujours le bateau de Persée ?
Chacun se fera sa propre opinion, chacun se fera l’opinion de savoir si Fabio nous écoute de là ou il se trouve.

Le fait est que le Fabio que nous avons connu n’est plus là qu’il est parti trop tôt par rapport à notre « norme » de la mort et que ce départ anormal nous rend tellement triste et bouleverse dramatiquement la vie de ses proches. Alors aujourd’hui pensons aussi aux vivants, aux proches qui ne pourront plus vivre auprès de Fabio et profiter de sa présence.

Chanson composée par Alexandre, frère de Cécile

Accompagné par David au piano, mon frère Alexandre a voulu rendre hommage à Fabio par ce langage qui lui est le plus naturel: celui de la musique. La chanson qu'il a composée est l'expression brute et profonde de ses sentiments pour Fabio, qu'il connait depuis l'âge de neuf ans et qu'il considérait comme un véritable grand frère.

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Paroles de la chanson

 

Je suis jeune encore qu’on se mette d’accord

Assez jeune pour faire de l’or
Pourquoi le fer est froid dehors
J’ai battu le chrome pour le perdre ce soir

La vie est rose, pourquoi c’est noir
La leçon est prise, maintenant dis-moi que c’est faux
Mon destin est gelé, mais tu caches quelque chose
J’ai prêché, apprécié la vie comme un fauve, comme lui
Ramène les souvenirs si tu peux
Personne l’a appelé, c’est falsifié
À l’infini, je chante pour lui
À l’infini, je rêve pour lui
J’avais pas de grand frère mais je l’avais lui
Pas de grand frère, mais je l’ai lui
Pas de grand frère, je dis merci
J’avais pas de grand frère, c’est moi qui le dis
Même pas la mort pour me contredire
L’amour est fort et infini, uh
Trois vagues dans la tête
J’ai pris trois vagues dans le front, qu’on m’aide
Trois vagues dans le front, qu’on m’aide
J’ai pris
Trois vagues dans le front, qu’on m’aide
Je rêve de lui, j’ai peut être besoin d’aide
Promets moi que ma sœur restera belle
Promets moi que la vie sera assez longue

pour voir que son cœur va s’en remettre

Les voir lui dire que la vie est belle, les voir lui dire que la vie est belle
Trois vagues dans le front, qu’on m’aide
Trois vagues dans le front, qu’on m’aide

Je rêve de lui, j’ai peut être besoin d’aide

Le ciel me met d’accord
Personne renie sa force
J’ai déjà oublié la voix de sa mère

Arrêtons de parler, j’ai besoin d’air

Ô ciel, qu’ai-je fait de ma foi ? Ô ciel, dis-moi pourquoi
Ô ciel, qu’ai-je fait de ma foi? Mon cœur restera froid

Trois balles dans le front, qu’on m’aide
Ô
J’ai pris trois balles dans le front, qu’on m’aide
Ô
Trois vagues dans le front qu’on m’aide
Je rêve de lui, j’ai peut être besoin d’aide
Promets-moi que ma sœur restera belle
Promets-moi que la vie sera assez longue pour voir ma sœur va s’en remettre

Pouvoir lui dire que la vie est belle
Avoir le temps de lui dire que la vie est belle
Les paumes vers le ciel je lui dis merci
Les étoiles brillent donc je vais vivre
Les paumes vers le ciel je lui dis merci
Les étoiles brillent donc je vais vivre
Pour lui, pour lui
O ciel, fais moi signe s’il sourit
O ciel, fais moi signe s’il sourit
Les paumes vers le ciel je lui dis merci
Les étoiles brillent donc je vais vivre
Pour lui, pour lui
O ciel, fais moi signe s’il sourit

O ciel, fais moi signe s’il s’oublie

Mots des parents de Cécile, Charles et Huong, lu par ma cousine Gabrielle

Cher Fabio,

Tu nous quittes bien trop tôt, bien trop vite !!!

Nous avons partagé tant de joie, nous échangions de temps en temps.

Nous ne nous sommes pas tout dit !

Hélas, nous n'aurons plus l'occasion.

Néanmoins, nous avons profité de certaines minutes, certaines heures pour te voir avec Cécile. Et ce n'est que du bonheur pour nous !

Il nous faut certainement du temps pour réaliser que tu es parti ! Nous ne t'oublierons jamais. Nous t'embrassons bien fort.

Repose en paix et que tu saches, Cécile sera toujours bien accompagnée par nous et son frère Alexandre.

Adieu Fabio
et merci à toi pour ton écoute, ta générosité, ta gentillesse. 

Discours de Gabrielle, ma cousine, au nom de la famille Nguyen

Fabio,

Tu étais un membre à part entière de la famille Nguyen. Tu avais ta juste place lors des moments de fête où l’on appréciait tes remarques pleines d’esprit, tes récits rieurs et tes clins d’œil lourds de sens. Avec toi, certaines discussions se transformaient en longs débats animés où tu ébranlais parfois nos convictions profondes. Mais tu étais aussi l’oreille attentive aux confidences qu’on te chuchotait. Lors des épreuves qu’a traversées notre famille, tu t’es avéré être un pilier par ta présence douce et rassurante et tes paroles toujours justes.

Tu as embrassé la culture vietnamienne en restant fidèle à ce que tu étais : cartésien et donc plutôt amusé par certaines croyances. Tu t’es néanmoins prêté au jeu de la séance photo romantique dont raffolent les VN à Hoi An avec Cécile et sa famille. Tu appréciais la cuisine pleine d’amour et d’attentions de Huong, la maman de Cécile. D’ailleurs, tu étais peut-être l’un des seuls de notre génération à savoir préparer le phở, cette soupe dont tu pouvais engloutir un bol d’une taille impressionnante, lorsque Christine et moi pensions qu’il s’agissait d’un bol à partager.

Nous te remercions d’avoir porté à Cécile un amour beau et sincère et de l’avoir rendue heureuse. Vos vies d’expatriés vous ont menés loin de nos yeux mais jamais loin de nos cœurs. Nous chérissons les moments pleins de rire et de joie passés ensemble en France ou à Londres.

Fabio, cher cousin, il est temps pour nous de te souhaiter un bon dernier voyage. Qu’il soit à la hauteur ce que tu as été pour notre famille : unique, grand et beau.

Discours de David, ami de Fabio

Fabio,
Tant de choses que j'aurais aimé partager avec toi, encore. Tant de souvenirs qui remontent à la surface depuis quelques semaines. Des premières fois où l'on s'est liés d'amitié, dans la maison de tes parents, à jouer de la guitare et à imaginer notre avenir de rocker, à la dernière fois que je t'ai vu, début mai.
Juste avant le mariage de Gaby et Alice, on s'était retrouvé au café au bout de ma rue, pendant une heure, car c'etait le seul créneau pour réussir à se voir un peu, au milieu de tout ce qu'on avait à faire.
On parlait d'avenir, on parlait du passé, on parlait du présent et on parlait d'avenir.

Tout cela semble si loin, déjà.
C'est très dur de réaliser que tu es parti.
On se voyait moins ces dernières années, la distance et nos métiers respectifs réduisant particulièrement les possibilités de se croiser facilement, mais chaque moments passés ensemble étaient synonymes de complicité profonde, sans s'étaler, fraternelle et sincère.
On se manquait, cela se sentait, et cela faisait du bien de se retrouver, même l'espace de quelques heures, et avec ce sentiment récurrent de ce que nous avions profondément en commun: la passion de ce que l'on fait.
Des chemins bien différents pourtant, et des divergences quant au monde et son fonctionnement mais une quête passionnée d'un idéal dans nos chemins respectifs.
Merci pour ce que tu m'as apporté, merci pour ce chemin partagé, depuis les conneries d'adolescents aux moments plus profonds et cette fraternité, même informulée.
Je me souviendrai toujours de ce dernier moment passé ensemble, et ce souvenir me remplit de joie et me déchire le cœur à la fois.
Pour toi, qui était si têtu, si logique, si scientifique, si brillant, si positif, si ambitieux, si travailleur, que j'admire et que j'aime comme un frère.

Discours de Gabriel, ami de Fabio

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Fabio fait partie de mes meilleurs amis. Notre amitié a commencé quand je suis venu lui emprunter un jeu Xbox dans la cour de récréation, mais ce qui nous a vraiment rapprochés, c’est notre passion commune pour le rock. Au fil des années, c’est une amitié simple et sincère qui nous a unis, qui tient en grande partie à sa personnalité que je vais tenter de vous décrire.

Ce qui me marque le plus chez Fabio c’est son esprit critique. Il remet en question nos à priori et nous fait réfléchir... et inscrivait discrètement nos affirmations idiotes dans une note intitulée “bureau des légendes”.

Sa grande curiosité et sa personnalité de chercheur m’ont également marqués. Il aimait nous questionner en profondeur sur un sujet avant de nous expliquer sa vision mûrement réfléchie. En général son explication commençait par “Ah merci!” ou bien “Mouais...” avec un sourcil levé.

Fabio c’est aussi une volonté à toute épreuve qui l’a amené à faire de hautes études, à travailler dans un domaine de pointe. Il ne se vantait jamais et partageait en toute simplicité sa passion et les découvertes de son équipe... Comme pendant l’été 2016 à Londres où il a entraîné un robot Baxter à 30,000$ à agiter un éventail géant pour lui faire du vent.

Sa volonté s’exprimait aussi dans le sport où j’ai souvent essayé de le suivre, ce qui a occasionné des fous rires et de bons souvenirs. Fabio courant autour de moi pour compenser la différence d’allure, et tout ça se finissant par boire un shaker protéiné vert à la composition et le goût douteux.

C’est cette volonté qui lui a permis de commencer de nouvelles activités et surpasser rapidement ses amis, en prenant toujours des notes méthodiques, appliquées scrupuleusement, ce qui lui a permis de dépasser rapidement ses amis: karting, tennis, escalade de glace...

Fabio c’est cette force. Celle qui lui permet d’être à la hauteur de ses ambitions. Mais cette force est associée à une douceur et une grande attention bienveillante aux autres. Il a souvent pris de mes nouvelles dans les moments difficiles et nous connaissait si bien. Il nous a acceptés malgré nos paradoxes. J’ai été particulièrement touché de voir son enthousiasme quand je lui ai proposé d’être témoin à mon mariage. Il a motivé Cécile et nos amis à préparer un magnifique discours auquel je veux rendre hommage aujourd’hui.

Avec Cécile ce sont nos modèles d’initiative, de courage, de résilience, de légèreté, de compréhension, de chaleur, d’intégrité et d’ouverture aux autres. Ils sont à l’origine de nos plus beaux voyages et souvenirs. Ils ont cimenté notre amitié qui résiste au temps, à la distance et aux épreuves.

Malgré la distance, et son aversion pour les messages WhatsApp, il a trouvé le moyen de rester dans mon quotidien avec son humour et sa personnalité unique sans qu’on ait besoin de s'écrire ou de s’appeler souvent.. Je suis convaincu qu'il en sera de même de nos jours, et je chérirai chacun de nos souvenirs et nos aventures.

Fabio, comme dans un de nos films préférés H2G2, le Guide du voyageur galactique, j’espère que quand on se reverra tu auras élucidé les mystères de la grande question sur la vie, l'Univers et tout le reste. Je t’aime mon ami.

Discours de Vincent, ami de Fabio

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Fabio,
Je n’arrive toujours pas à croire que je suis en train de te dire au revoir.

Tu faisais partie de ma vie depuis presque vingt ans. Une amitié sincère, profonde, et surtout, une complicité qui était si naturelle.

Je me souviens de toutes ces heures passées à écouter de la musique ensemble. Un solo de guitare de Led Zeppelin, un riff de Guns N’ Roses, une balade de Pink Floyd, un tube de David Bowie ou de Queen... C’était notre plaisir à tous les deux et on vibrait pendant ces moments hors du temps. Je les garderai en moi pour toujours.

Certaines des plus belles soirées de ma vie, je les ai vécues grâce à toi. Dans la maison de tes parents, dans le sud à Sigonce, à Londres, ou dernièrement quand tu rentrais du Canada nous voir à Paris.

Tu étais la personne avec qui je pouvais débattre sur tous les sujets, avec qui j’aimais rire de tout. Tu étais aussi la personne que j’admirais le plus, tu étais si ambitieux.

Une part de moi est partie avec toi cette nuit-là, quand j’ai appris la nouvelle. Mais tu es aussi là, encore, partout. Dans chaque note de musique et chaque séquence de film qu’on aimait. Dans chaque souvenir. Dans chaque éclat de rire qu’on a partagé.

J’ai eu le sentiment d’avoir perçu quelques signes de ta présence quand nous étions à Montréal. J’ai eu un pincement au cœur quand j’ai trouvé cette couronne au pied de mon immeuble, la veille de notre départ en avion pour te raccompagner en France.

Mon imaginaire me laisse penser que tu as trouvé la solution pour communiquer avec nous, comme dans ton film préféré Interstellar.

Merci pour tout, Fabio. Je ne t’oublierai jamais.

Space Oddity, de Davie Bowie, par Cécile et Gabriel

J'ai voulu rendre un hommage à Fabio qui m'est très personnel en faisant vibrer l'instrument qui lui était le plus cher: sa guitare Gibson. Fabio était un grand guitariste, mais aussi un passionné inconditionnel de l'espace. Le choix de la chanson m'est apparu comme une évidence: Space Oddity de David Bowie. Fabio aimait m'entendre la jouer sur ma propre guitare acoustique chez nous. Aujourd'hui, le sens des paroles fait profondément un écho à mes sentiments. C'est l'histoire d'un astronaute, Major Tom, parti en mission dans l'espace, mais qui rompt contact progressivement avec la Terre, faisant ses adieux à la femme qu'il aime. Ce thème de la distance infranchissable illustre mon déchirement, et j'imagine Fabio dans les cieux infinis, naviguant entre ces étoiles qu'il aimait tant. Les dernières paroles "Planet Earth is blue, there is nothing I can do" retranscrivent toute mon impuissance face à la perte de Fabio.

Pour cet instant, je suis accompagnée de notre ami Gabriel à la guitare, qui a partagé la passion de la musique avec Fabio depuis le plus jeune âge.

Discours de Philippe, ami de Fabio

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Fabio et moi nous nous connaissons depuis plus de 30 ans.
Mon plus ancien souvenir de lui remonte à la maternelle ; c’est d’ailleurs mon tout premier

souvenir d’enfance.
Pendant les cours de chorale à la maternelle, nous étions deux petits garçons insouciants, complices, qui s’amusaient à imaginer avoir un lecteur CD dans le ventre, à appuyer sur le bouton « play », puis à chanter à tue-tête, éclatant parfois de rire.
Depuis cette période-là, nous ne nous sommes plus jamais quittés. Notre amitié a traversé les différentes étapes de la vie, sans que ni le temps ni la distance ne puissent l’altérer.

Ces derniers jours, en revisitant tous nos souvenirs, je me suis rendu compte que les traits de personnalité de Fabio étaient déjà bien là, dès son enfance.
Depuis tout petit, il était un aventurier, casse-cou, sans peur, toujours sûr de lui. Je me souviens lui demander sans cesse : « T’es sûr qu’on a le droit de faire ça ? » et lui de me répondre avec certitude : « Mais oui, c’est bon. »

Fabio était quelqu’un de passionné, qui adorait partager ses passions. Je me rappelle nos longues discussions sur les dinosaures et les chevaliers du Moyen Âge, dans la cour de récréation à l’école primaire, puis sur la musique rock à l’adolescence, et plus récemment, nos débats sur l’intelligence artificielle.

Quand il avait un objectif, il mettait tout en œuvre pour l’atteindre. Il avait une force remarquable, une abnégation au travail. Tous ses efforts ont porté leurs fruits et il a finalement réalisé son rêve. C’est toujours avec fierté que j’évoquais son travail chez DeepMind, à tous ceux qui voulaient l’entendre, même s’ils ne le connaissaient pas.

Le dernier moment fort de complicité que Fabio et moi avons partagé remonte à Séoul en Corée, lors de mon mariage, où il était mon témoin.
C’était une fin d’après-midi ensoleillée d’avril. La cérémonie traditionnelle se déroulait dans la cour d’un hanok, une maison coréenne ancestrale. Celle-ci était surplombée par un bois qui, après un hiver rigoureux, venait tout juste de retrouver toute sa verdure.

Les invités s’étaient installés dans la cour. Une performance artistique animait la cour avant la cérémonie principale, les longues robes des danseuses virevoltant au rythme envoûtant des tambours.
Fabio et moi nous tenions à l’écart, en hauteur, dissimulés par le feuillage du bois, attendant le moment de descendre pour prendre part à la cérémonie.

Cet instant restera gravé à jamais dans ma mémoire.
Ce petit garçon, qui chantait à mes côtés dans la chorale de maternelle il y a trente ans, se tenait aujourd’hui près de moi, pour l’un des moments les plus importants de ma vie.
Nous sommes restés tous les deux, en silence, sourire aux lèvres, contemplant les invités et le spectacle qui se déroulait sous nos yeux.

Fabio portait ce sourire unique, un léger pli au coin des lèvres, dévoilant rarement ses dents. Discret mais vrai, chaleureux, il s’accompagnait d’un regard malicieux, espiègle et tendre. Un sourire qui, sans un mot, disait tout.

Si quelque chose existe après cette vie, au-delà de notre monde, j’aime à penser que, tout comme ce jour-là lors du mariage, Fabio nous regarde quelque part de là-haut. Qu’il observe tous ceux qui l’aiment et qui sont venus aujourd’hui lui dire adieu, et qu’il nous sourit, avec toute la tendresse qu’on lui connaissait.

Repose en paix, mon plus vieil ami. Tu resteras à jamais dans nos cœurs.

Discours de Roland, ami de Fabio

Fabio,

je n’aurais jamais pensé devoir faire cet exercice si tôt.
Tu sais que ce n’était pas mon fort... ni le tien d’ailleurs.
C’est bien pour ça qu’on préparait toujours ensemble les discours de mariage. Mais cette fois-ci, je dois le faire seul. Et je tiens à le faire seul.

On a tout partagé. Des moments incroyables et la découverte des facettes de la vie. Tu as été là dans presque chaque instant important de mon existence.

Au collège déjà, on était inséparables.
Les midis, on allait chez toi manger des pâtes.
On perdait la notion du temps... avant de devoir sprinter dans la pente pour retourner à Épin.
Comme le jour de l’épreuve d’histoire-géo du brevet, où on a bien failli la louper.

Il y a eu aussi toutes ces nuits passées chez toi, à geeker, à discuter, à regarder des films... enfin, toi surtout.
Parce que moi, la plupart du temps, je m’endormais avant la fin, te laissant terminer seul.

Et déjà à l’époque, on rêvait en grand.
Comme cette idée de créer une entreprise avec des super ordinateurs, toujours à la pointe, avec tous les logiciels installés...
Les gens n’auraient plus qu’à s’y connecter et n’auraient plus eu à se soucier de leur matériel.
Une belle vision du futur.
Mais il faut croire qu’Amazon nous a piqué l’idée...

C’est toi aussi qui m’as accueilli pour mes toutes premières vacances avec un ami, dans ta famille à Sigonce.
Ta famille si généreuse, avec Sara, Anna, Fabrice et Dad.
Ces instants-là resteront gravés à jamais.

Puis sont venus les voyages sans parents : la Chine, le ski, Luc-sur-Mer... Et les grandes expéditions : la Californie, le Canada...

Je te suivais aussi dans tes conneries : manger des carrés de sucre juste avant le 3×500, monter une montagne alors qu’il y avait un fort risque d’avalanche, ou encore... mettre des boules d’alu remplies de soufre et de salpêtre dans la gazinière.

Et je me souviens qu’on se disait à l’époque que ça serait badass de mettre Highway to Hell pour nos funérailles.
Bon... on va éviter de choquer tout le monde.
Surtout notre pauvre Cécile, qui n’en pouvait déjà plus lorsqu’on écoutait la radio Ozzy Boneyard.

C’est avec toi que je partageais la plus grande complicité : le rock, le sport, les films, la technologie, la photo, la nourriture...
Tu étais bien le seul avec qui je pouvais commander exactement la même chose au resto, en sachant que c’était le choix parfait, celui que j’aurais fait si j’avais étudié moi-même le menu.

Maintenant, il faut que je continue l’exploration de ce monde sans toi. Mais je sais que tu ne seras jamais bien loin.
Toujours là, quelque part, dans mes pensées.

Ciao mon pote.

Discours de Victor, ami de Fabio

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Fabio, mon frère de coeur,

Nous avons partagé tant de merveilleux moments ensemble, tant de voyages, de soirées, de rires, de jeux débiles et bien sûr tant d’amour.
Fabio, je ne te l’ai jamais dit mais je trouvais ton parcours admirable que ce soit depuis le moment où tu m’avais dit dans le parc de Cherioux que tu allais retourner à Epin jusqu’au moment où tu avais intégré la société de tes rêves.

Tu étais si passionné, si intelligent et si bon dans tant de choses, que j’en suis sûr, tu aurais pu aller loin.

Ces dernières années, on se voyait un peu moins car la distance nous a éloigné mais j’attendais toujours nos retrouvailles avec tant d’impatience.
Je savais que tout se passait bien au Canada pour vous et donc je ne m’en inquiétais pas, et lorsqu’on se voyait, c’était comme si on s’était vu la veille.

J’ai tant de souvenirs avec toi qui resteront gravés dans mon cœur à tout jamais. Par exemple, ce côté aventurier qui me séduisait à chaque fois et qui nous a permis de trouver un moment tous les deux à Busan pour discuter de notre vie, de notre passé, et bien sûr de notre futur.
Savoir que je ne pourrais plus construire de nouveaux souvenirs avec toi me brise le cœur mais je chérirais tous ces moments que l’on a pu avoir ensemble pendant toutes ces années et je t’en remercierai jamais assez.

Ces souvenirs si précieux que l’on a partagés sont aujourd’hui une source de chagrin et de peine que je n’ai jamais ressenti.
Mais, je ne me laisserai pas abattre dans le futur car ce n’est pas ce que tu voudrais et c’est pour cela que je te promets de vivre une vie sans regrets.
J'espère au plus profond de moi que l’on pourra se retrouver un jour afin que je puisse te raconter toutes ces nouvelles aventures.

Je t’adresse ces derniers mots que je crois n’avoir jamais pu te dire en face... Je t’aime Fabio, et je ne t’oublierai jamais.

Pour conclure, de la part de tous les amis, nous sommes si reconnaissants d’avoir eu la chance de croiser ta route et de te connaître. Merci infiniment Fabio pour tous nos merveilleux moments. Merci de nous avoir tant apporté et de continuer à nous faire grandir.

Nous te garderons dans nos cœurs pour toujours et chérirons tous ces souvenirs passés ensemble à jamais.

Après un rêve, de Gabriel Fauré par Alice et David

Fabio et moi écoutions souvent ensemble cette pièce de Gabriel Fauré, célèbre dans sa version pour violoncelle. Pour lui rendre un hommage unique, il nous est offert par nos amis, Alice au violon et David au piano. C'est un geste particulièrement touchant de la part d'Alice, qui n'a jamais joué devant nous, et qui a trouvé dans la musique la plus belle façon de dire au revoir à Fabio.

Discours de Cécile

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Mon amour, mon doux Fabio,

 

Il y a tant à dire sur toi, sur nous. Il m’est impossible de résumer nos dix-sept ans de vie commune, mais je voulais partager quelques souvenirs marquants de notre histoire.

 

Je me rappelle de la première fois que j’ai entendu parler de toi. Nous étions en sixième, au même collège, mais dans des classes différentes. Nous avions la même professeur de français, qui nous avait demandé de dessiner un monstre. Mon monstre avait trois yeux, six oreilles, et quatre bras. Il était bien vilain, dans les règles de l’art de la monstruosité. Notre professeur avait affiché tous nos dessins sur le mur de la classe. Parmi la soixantaine de dessins affichés, il y en avait un qui se démarquait par sa splendeur et sa maturité. Le dessin d’un majestueux cheval noir, en plein mouvement, sorti des flammes. Il m'était impossible d’imaginer que ce dessin avait été fait par un enfant de onze ans. J'étais très admirative, et j’ai demandé à mon amie Jessica qui en était l’auteur. Elle m’a dit: “Il s’appelle Fabio”.

 

Des années plus tard, la voie scientifique nous a réunis au lycée dans la même classe. Les soirées chez tes parents nous ont rapprochés, et c’est ton talent de guitariste qui m’a tant séduite. J’ai encore cette vidéo ou tu joues Scar Tissue des Red Hot Chili Peppers, rien que pour moi, avec ta mèche rebelle et cette aisance désinvolte, tout en machouillant ton chewing gum. Je te trouvais arrogant, mais si beau, et si talentueux. Je suis tombée sous ton charme à l'âge de seize ans.

 

Notre amour a grandi au fil des années. Tu étais romantique, et tu me montrais ton amour par tant de moyens. Tu traversais la ville à vélo pour venir me voir au milieu de la nuit, me faire coucou par la fenêtre de mes parents. Je te tendais un fil par la fenêtre, au bout duquel tu attachais des petits cadeaux. Tu as appris le crochet en une nuit pour me tricoter un bonnet parce que mes cheveux te chatouillaient le visage quand on dormait ensemble. Tu t’es levé aux aurores, et tu m’as peint ce tableau aux lueurs rougeoyantes, qui montre la vue depuis ta fenêtre tournée vers chez mes parents, pour me réconforter dans les moments où nous étions séparés. À Venise, tu as capturé mon image à l'aquarelle en train de marcher sur le ponton, pour notre premier voyage en amoureux. Pour mes 19 ans, tu as composé ce sublime morceau de piano, sobrement baptisé de mon initiale, "C". C'est cette même mélodie qui emplira la salle de ses notes tout à l'heure lors du tour de cercueil. Chacun de ces cadeaux est la preuve de ton amour pour moi, mais aussi le reflet de ton immense talent.

 

Je passais beaucoup de temps chez toi, chez les Pardo, qui m’ont adoptée. Anna et Fabrice sont devenus mes deuxièmes parents, Sara ma sœur, et PA mon beau frère. J’ai grandi avec eux et découvert une passion pour les pâtes au pesto et les cordons bleus, la mimolette, le risotto, et les pizzas. Inversement, tu as commencé à connaître ma famille, mon frère, mes parents et tu as voyagé avec nous au Vietnam pour découvrir notre culture. Mes grands parents, mes oncles et tantes, t'ont adoré et ce malgré la barrière de la langue. Il y a un langage qui ne se parle pas, ce langage universel de la tendresse et de l’affection.

 

Déjà à l'époque, tu voulais conquérir le monde et laisser ton empreinte. Tu étais si talentueux, tu savais tout jouer. La batterie, la basse, le piano, la guitare. Aucun instrument ne te résistait. Tu voulais devenir une rock star. Tu passais des nuits entières à t’exercer à faire des solos sur ta magnifique Gibson rouge, en augmentant graduellement le rythme fou du métronome. Tu jouais jusqu'à avoir les doigts en sang. Toujours à pousser les limites, à aller à l'extrême dans la discipline.

S’en est suivi la succession des bonheurs de la vie. Avoir le bac, avoir le permis, emménager à deux. L’ellipse temporelle que je fais met sous silence une dizaine d'années de vie, d’amour, de disputes, de choix à deux, de compromis. Tes études t'ont ouvert une nouvelle voie, et très vite tu as compris qu’une nouvelle destinée s’offrait à toi. Pendant que je continuais mes études à Dauphine, tu t’es passionné pour les sciences cognitives. Très tôt, tu as compris que l’intelligence artificielle allait bouleverser nos vies. Tu as donc fait un stage au Japon et puis une thèse à l’Imperial College de Londres, pour laquelle tu travaillais avec une assiduité et une rigueur inébranlable. Tu avais repéré cette boite, Deep Mind, qui à l'époque n'appartenait pas encore à Google, qui se donnait pour ambition de développer une intelligence artificielle générale. Tu t’étais fixé comme objectif de l’intégrer coûte que coûte. Ta persévérance et ton excellence t’ont donné accès à des stages, puis à un emploi à Toronto. Nous avons tout quitté et nous sommes partis de l’autre côté de l’Atlantique construire une nouvelle vie.

Cette ambition avait donc un prix, celle de partir loin de nos proches. Nos famille et amis étaient les laissés pour compte de nos aspirations. Nous étions loin de leurs yeux, mais nous nous savions jamais loin de leurs cœurs.

 

Nos voyages partout dans le monde témoignent de notre envie de découvrir le monde. Le Japon tient une place particulière dans nos coeurs, dans ton coeur. Ton stage de 6 mois t’a fait découvrir ce pays fascinant, si inspirant. Je me sentais d’ailleurs désolée de ne pas être japonaise, et ça te faisait tant rire. Nous avions 24 ans à l'époque, et nous avons eu la chance d’y retourner 10 ans plus tard, en novembre dernier. C'était notre plus beau voyage. Un de mes plus beaux souvenirs, c’est cette nuit lorsque tu as voulu sortir à minuit sous la pluie diluvienne pour visiter le plus grand cimetière du Japon alors que nous l’avions déjà visité de jour. Nous avons déambulé, seuls dans l'obscurité sous la pluie, au milieu de ces deux-cent mille âmes qui avaient choisi de passer l’éternité dans cet immense labyrinthe sacré. C'était une expérience mystique, un voyage au-delà du temps que nous avons adoré vivre tous les deux.

Il n’y a que toi pour pousser sans cesse à l'aventure, et vivre des expériences si hors du commun. Monter le mont Fuji, grimper les dunes du désert d’Oman pendant des heures pour voir le coucher du soleil, regarder les étoiles filantes à Sigonce, voir une fusée Space X décoller en Floride, grimper les montagnes avec Victor et Roland malgré le risque d’avalanche, aller randonner au milieu d’une tempête en Californie. La vie était trop courte pour se priver d'expériences, pour se conforter dans la paresse, pour s’enliser dans l’ennui.​​

J’ai mis du temps à comprendre l’homme que tu devenais. J’ai réalisé progressivement que tu n'étais pas de ceux qui se contentent des schémas typiques de vie, que tes aspirations allaient au-delà de ton individualité. Ton travail n’en était pas un, ni même une vocation. C'était une vision pour l'humanité. Tu t'inscrivais dans la lignée de ceux qui oeuvraient pour changer le monde, de ceux qui créent cette intelligence artificielle générale capable de résoudre les problèmes les plus complexes. Ton entreprise Google DeepMind te permettait d’assouvir ce besoin de faire avancer la science. Tu étais un brillant chercheur et ton manager Tim m’a raconté que dernièrement, tu t'étais attelé à la résolution d'un problème que peu de tes pairs auraient entrepris. Ma fierté en toi est immense. Et la je t’imagine m’entendre et je vois ton sourire gêné en coin, avec cette lueur malicieuse dans les yeux qui te caractérise tant et qui faisait fondre mon cœur.

 

Nous étions si heureux. Nous nous aimions tant. Notre quotidien était fait d’amour, de complicité et d’attentions. Tu me soutenais dans toutes mes passions, la musique, la peinture, l'écriture. Tu étais fier de la femme que j'étais devenue. Nous nous nourrissons intellectuellement par nos lectures, nos débats, nos convictions respectives. Tu étais si avide de comprendre le monde, tu passais tes soirées à regarder des vidéos ou lire, convaincu qu’apprendre était le meilleur moyen de devenir un meilleur être humain.

Et comme j’adorais ton humour plein d’esprit et ta délicatesse. Tous les soirs, lorsque tu rentrais du travail, tu feignais la surprise en me voyant, comme si je n'étais pas sensée vivre avec toi et tu m’embrassais avec tant de tendresse. On adorait s'écrire des mots doux, se quitter pour des conférences pour mieux se retrouver. On adorait manger des pizzas le vendredi. Regarder des films en nous blottissant l’un contre l’autre quand il neigeait. Regarder la lune et les étoiles ensemble.

 

La vie a été pressée de nous arracher notre bonheur et a scellé notre destin à tout jamais ce mercredi 16 juillet. Cette sortie à la piscine, que nous faisions régulièrement, si banale, a détruit notre vie. Tu aimais faire de l'apnée pour faire le vide en toi, tant ton cerveau était en constante ébullition. Ni toi, ni moi n’y avons vu quelconque danger. Nous avions tort.

La vie nous a mis face à son insoutenable fragilité. La vie est si injuste, si absurde, c’est insupportable. Je tombe depuis ce jour dans ce puits sans fond de douleur, et je me réveille tous les jours avec cette réalité qui dévaste chaque fibre de mon être, celle de devoir vivre sans toi. Chaque petit geste de la vie se mue en des défis immenses. Tu me manques atrocement, à chaque seconde, j’ai envie de m’arracher le coeur et je suis folle de chagrin, pour moi, pour nous tous, mais aussi pour ce monde a perdu l’être exceptionnel que tu es.

 

Fabio, tu as fait les choses en grand, jusqu'à la fin. Dans un ultime élan de générosité, tu as fait don de tes organes et sauvé cinq vies. Je me suis allongée contre toi à l'hôpital et j'ai écouté ton cœur battre jusqu’au bout. Malgré ma souffrance extrême, j'ai trouvé du réconfort en me disant que ce cœur continuerait de battre, même s'il ne battrait plus pour moi. C'est un geste d'une profonde humanité, à la hauteur de la grandeur de ton esprit.

 

Je veux que tu saches que je ne suis pas seule, et que nos amis et nos familles sont venus dès les premiers jours à Montréal tisser autour de moi un cocon d’amour et de présence, qui me protège de ma propre peine. Que je suis extrêmement soutenue, et que je mesure en ce moment combien nous avons su nous constituer un entourage exceptionnel. Ils ont mis entre parenthèses leur vie, pour sauver la mienne. Je ne les remercierai jamais assez.

 

J'ai renoncé à tant de choses depuis ce mercredi 16 juillet. J'ai renoncé à donner un sens au non sens. J'ai renoncé à notre retour à Londres pour nous rapprocher de nos familles, à l'enfant que nous désirions, à ce chien que nous voulions adopter, à cette maison en Provence où nous rêvions de finir nos jours. Mais je ne renoncerai jamais à toi, à cette trace indélébile que nous avons laissée dans nos existences mutuelles. Je puise en moi une force insoupçonnée, qui vient de toi, de ta persévérance et de ta force. Toi, le cartésien, tu me donnes le courage d'être résiliente dans ma douleur. Je me découvre moi-même dans ce deuil et je réalise jour après jour que je porte en moi notre héritage, ton héritage.

 

Je ne te dis pas aurevoir. Je serai toujours intimement liée à toi, tu seras pour toujours à mes côtés. Tu m'as simplement précédée sur la voie que chaque être humain emprunte vers l'éternité. Mon Fabio, tu es mon être préféré, mon évidence. Tu es l’amour de ma vie. Je t’aime infiniment et je serai toujours ta Bi.

Oman.HEIC
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One Summer's Day de Joe Hisaishi, par Jisoo et Christine

Pour clôturer la cérémonie, nous avons choisi un dernière note musicale, douce et lumineuse, One Summer's Day de Joe Hisaishi. Ce morceau provient du Voyage de Chihiro, le film d'animation de Myazaki préféré de Fabio. Il a toujours été émerveillé par le monde des films d'animation de ce dessinateur. Celui-ci y explore des thèmes universels tels que la nature, la quête de soi, l'humanisme. La féérie y côtoie le loufoque, le rêve coexiste avec la réalité parfois brutale des hommes. Fabio appréciait tant la subtilité des paradoxes et le visuel somptueux de ces films. 

Cette pièce, voluptueuse, porte en elle la quintessence du Japon, pays dont Fabio était profondément amoureux. Elle vous invite à la contemplation et à la sérénité. J'espère que grâce à cette musique d'envol, vous y trouverez l'image d'un ciel bleu paisible, avec la force de garder un souvenir doux de Fabio malgré la peine immense de l'avoir perdu qui nous habite aujourd'hui. 

Merci à tous.

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